Nom : Danny Saul
Où habitez-vous / travaillez-vous : Je vis à Manchester et je travaille en tant qu’étudiant chercheur et compositeur électroacoustique à l’Université de Manchester.
Site personnel : dannysaul.com
Transformations favorites :
– Filter
Pourquoi ces manipulations sont-elles vos favorites?
On peut obtenir tellement de résultats en utilisant ces outils pour transformer les sons ! En voilà quelques exemples :
- Les filtres permettent de retirer des parties des sons, pour en révéler certains aspects que vous n’entendriez pas dans leur version isolée
- La granulation peut créer une notion de rythme ou de mouvement
- Le time stretch peut produire des sons très particuliers, comme la transposition
- J’utilise parfois la distorsion pour masquer la source d’un son, ou pour produire un son plus âpre et bruiteux.
1. Comment décririez-vous le genre de musique que vous faites?
Je fais de la musique électroacoustique et j’interprète aussi de la musique électronique improvisée (et je fais également du rock !).
2. Si vous deviez utiliser les catégories classiques pour décrire votre musique, les quelles est-ce que ce serait?
Musique électroacoustique, Musique électronique, Électronique live.
3. Quels types de sons aimez-vous utiliser quand vous composez?
J’utilise de très nombreux types de sources sonores différentes dans ma musique, n’importe quel son que je trouve intéressant. J’aime assez découvrir des sons qui apparaissent par accident, c’est à dire des sons que je n’aurais pas pu créer spécifiquement ou recréer moi-même, des sons que j’ai eu la chance de pouvoir capter via le processus de l’enregistrement. Parfois j’utilise des instruments de musique et des synthétiseurs.
4. Pourquoi ces sons sont-ils vos favoris?
Je pense que les sons dûs au hasard (ou les sons incontrôlés), peuvent être très excitants, à la fois à travailler pour le compositeur, et également à écouter pour un public, dans une pièce de composition ou une performance, parce qu’ils sont inattendus. Pour la musique électronique, comme je travaille avec des enregistrements sonores que j’ai faits, je peux choisir des moments précis et uniques des sons qui ne sont apparus qu’une fois (des sons que je ne pourrais en théorie pas répéter de la même façon exactement), et là je peux les répéter, les réutiliser, les transformer, ou placer ces sons dans un contexte totalement nouveau. Les possibilités pour la création musicale sont de cette façon infinies.
5. Comment commences-tu une composition ou trouves-tu des idées pour tes compositions? Est-ce que tu emploies la même technique à chaque fois, ou est-ce que ça change régulièrement?
Je commence généralement par identifier et enregistrer des sons que j’aime, ou par redécouvrir quelques « moments » que j’ai captés en enregistrant (des moments pour lesquels je sens un potentiel musical). Puis j’expérimente avec les enregistrements, en transformant et en combinant les sons de différentes façons. Parfois je peux avoir une idée avant de commencer à enregistrer, et cela influera sur mes choix de sons à enregistrer. Par exemple, j’ai décidé récemment de composer une pièce en utilisant comme matériau sonore mon chat. J’ai donc passé de nombreux mois à enregistrer les différents sons que mon chat produisait (ronronner, manger, miauler, le son du chat courant de bas en haut, jouant avec des jouets, etc.), puis j’ai commencé à expérimenter avec ces sons et à essayer d’en tirer quelque chose de musical. J’ai créé différentes sections musicales qui focalisent chacune sur un type de sons du chat. Par exemple, une section était basée sur les ronronnements, et une autre section était basée sur les miaulements.
6. Quels compositeurs / musiciens t’inspirent?
Je suis un immense fan de différentes formes de musique, donc il y a trop de noms, et une grande partie de ce que j’écoute diffère complètement de la musique que je compose. J’aime beaucoup la musique de Tom Waits, Jim O’ Rourke, Mike Patton, j’aime aussi des groupes de métal comme Slayer, Helmet et Isis, et j’adore certains musiciens folk comme John Martyn et Richard Thompson. En musique électroacoustique je dirais que Francis Dhomont, Denis Smalley et Francois Bayle m’influencent, pour n’en nommer que quelques-uns.
7. Qu’est-ce qui te plaît le plus dans ces musiques?
J’aime les musiques dans lesquelles les musiciens ont développé leur propre « son ». Je suis aussi attiré par les musiques qui nous interrogent sur la définition et la nature de la musique; autrement dit tout ce qui peut sonner de façon rafraîchissante ou différente m’enthousiasme, en général.
8. Pouvez-vous choisir un court passage d’une de vos pièces et expliquer comment vous l’avez créé?
Voilà une section de ma pièce « Jaws » qui est acousmatique (enregistrement fixe) que j’ai créée pour chat et électronique. Je voulais créer une section qui se focalisait sur les ronronnements de mon chat, et je voulais les faire sonner d’une façon beaucoup plus puissante et qui renverrait à un animal beaucoup plus effrayant que mon chat. J’ai travaillé en prenant de nombreux enregistrements des ronronnements de mon chat, que j’ai transposés et pitchés (ça produit un son plus grave et plus profond, qui ressemble au rugissement d’un lion ou d’un tigre !), puis j’ai utilisé le panning pour donner l’impression que ces créatures tournaient autour de l’auditeur, en traquant et encerclant le public. J’ai utilisé un outil appelé « freeze » que j’ai appliqué aux sons de miaulements du chat pour produire les sons de drone les plus aigus qu’on entend. J’avais aussi des enregistrements de moi versant de la litière pour chat dans un bac, que j’ai modifiés avec de la granulation pour produire des crescendos plus rythmiques dans la section.
Extrait de la pièce de Danny: « Jaws »
Écoutez cet extrait en lisant les explications de Danny sur ses méthodes de travail pour cette pièce. Pouvez-vous entendre les procédés?
9. Qu’essayez-vous de transmettre à l’auditeur dans cet extrait?
Je voulais produire un sentiment intimidant, et la sensation que l’auditeur était encerclé et entouré par des créatures plus grandes que nature. En utilisant un cercle de huit haut-parleurs placés autour du public (au lieu de deux simplement, comme pour une installation stéréo), je pouvais spatialiser le son tout autour de la salle de concert et du public, ce qui a créé l’impression de gros animaux encerclant l’espace de la pièce. Le volume a aussi joué un rôle dans cette section musicale; en diffusant les sons plus fort dans les haut-parleurs je pouvais ajouter à l’effet d’intimidation, puisque les haut-parleurs pouvaient diffuser le son bien plus puissamment que ce qu’un petit chat aurait pu faire !
10. Si vous deviez donner des conseils généraux à quelqu’un qui commence à composer une pièce, quels seraient-ils? Quelle est la chose la plus importante à garder à l’esprit pour composer?
Tout d’abord, composer doit être plaisant, donc je recommanderais de commencer par trouver des sons que vous aimez et avec lesquels vous auriez envie de travailler. N’ayez pas peur d’expérimenter, de tenter de nouvelles idées et de découvrir des nouvelles possibilités; il n’y a vraiment pas de règles quand on compose à partir de sons, donc l’exploration est la clef, en suivant son imagination aussi loin qu’il veuille nous emmener.
D’autre part, il est très facile de prendre des sons familiers et quotidiens pour acquis, nous le faisons tous ! Je recommanderais vivement de se munir d’un microphone et d’un casque, et d’écouter les sons de vos activités normales pendant que vous les faites, à travers les micros et le casque. Par exemple, écoutez les sons de la cour de récréation pendant votre pause déjeuner, ou votre brossage de dents, ou votre promenade dans des boutiques, à travers votre casque, et vous pourriez être surpris de découvrir la diversité des sons qui révèlent tout à coup leur potentiel musical.